samedi 13 avril 2013

Entrouverte


La porte est entrouverte.
J’entends le tintement de la brosse à dents que tu poses dans le verre en métal. Le bruit de tes pas nus sur le parquet me rappelle le couinement d’une taupe prise au piège. Ton doigt appuie sur l’interrupteur. La lumière du bureau s’éteint. Je rouvre les mirettes, sort ma tête de sous l’oreiller. Tes yeux entrent dans la chambre. Ils brillent comme deux émeraudes jalouses de leurs propres puretés. Elles mettent le paquet pour rattraper le désir qui m’envahit. C’est peine perdue, je préfère l’écrin de ton visage. Tes seins me pointent du doigt. Ils m’indiquent la direction à prendre pour les caresser dans le sens du poil. Nu comme un ver Adam, mon serpent se mue en dragon croqueur de pommes. Effluve de femme, Eve en taille de guêpe, tu es pom-pom girl. Tu ne peux pas être plus nue que tu ne l’es. Je m’en félicite et ton sourire vient se blottir contre mon épaule. Tes cheveux sur ma joue, ta main sur mon saint, ma main sur tes hanches, ta jambe sous ma langue, ton sexe a le goût de secte. Je suis prêt à renoncer à mon athéisme, prêt à retourner au catéchisme, prêt à m’agenouiller pour te prier de ne pas arrêter. Les vitraux de Notre Dame ont moins de couleurs que nos cris. Ils rendent aux voisins la monnaie de nos pièces contiguës. Le cliquetis du tiroir « qu’est-ce ? » couvrent nos respirations de marathoniens à l’arrivée des jeux olympiques.
On s’endort.
Siamois.

Portrait craché


-         Qu’est ce qu’il ressemble à son père, s’exclame la mère.
-         Tu as raison, dis donc. Incroyable comme il lui ressemble, c’est exactement le même, rajoute la mère de la mère.
La jeune maman sourit. Plus encore, c’est son visage qui s’ouvre comme une noix de coco tant son sourire se fend lui-même d’un sourire. 
Ca doit lui faire sacrément plaisir que je ressemble à son mari. Elle prend cela pour un compliment génétique, fière qu’elle est de son terreau photocopieur.
In utero versus out utero, je suis le plus beau. 
J’ai entendu dire que qui se ressemble s’assemble. Il semble donc que je sois promis à n’être que la pièce faite main d’un puzzle sexuel. Je ne suis pourtant qu’un Rubik’s Cube organique dont les faces sont reconstitués par un arc-en-ciel clandestin n’ayant aucun lien de parenté avec mes père et mère.
Évidemment, si j’étais conscient de tout cela, ça m’arrangerait. Si je savais déjà que je devrais attendre la crise du gris pour contrecarrer les plans d’une vie qu’on a tellement tristement rendu ordinaire.
Mais voilà, quand on a quatre ans, on ne sait pas ces choses là, on se doit de les ignorer.
Si seulement je savais parler la vérité.
Si seulement ils arrêtaient de ne pas m’écouter.
Pleurer.